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Chapitre II : Caractère social ou comment l’union peut faire la force !

      Comme vous l’avez remarqué les guêpes vivent en communauté ce qui permet de les qualifier d’insectes sociaux. Cependant, ceci est loin d’être la seule raison, les moutons vivent également souvent en groupe ! Les guêpes édifient des sociétés organisées. En règle générale, la construction du nid est débutée par une fondatrice seule mais il arrive chez certaines espèces et dans certaines circonstances exceptionnelles que plusieurs fondatrices s’entraident sur une seule structure (polygynie). Ceci montre une capacité à gravir le premier échelon vers la communauté dans l’évolution.

Le génome, origine et finalité de la vie…

      Par la suite, les ouvrières produites vont unir leurs forces pour la plupart des « taches communes ». Sous la régulation négative de phéromones émises par la reine, leurs organes reproducteurs ne se développeront pas limitant alors leur rôle dans la société. Comme pour tout être vivant, la finalité de la vie chez les guêpes est la propagation du génome. Les ouvrières ne pouvant l’assurer mais possédant les mêmes caractéristiques génétiques que la reine, elles aideront celle-ci dans sa mission de propagation. Comment ? En mettant leur énergie au service d’une entité dépassant l’individu : le groupe et sa cohésion.

nid Vespula germanicaPopulation de la guêpe germanique Vespula germanica sur l’enveloppe du nid

Les échanges sociaux

      Avant de pouvoir travailler ensemble, il est nécessaire de savoir communiquer, se reconnaître et échanger. Toutes les colonies d’hyménoptères sociaux sont basées sur ces caractéristiques. Les guêpes ont développées au fil de l’évolution des outils permettant ceci. L’un d’eux est la toilette sociale. Lorsqu’elles ne travaillent pas les guêpes se reposent efficacement. Elles se nettoient entre elles afin de maintenir l’hygiène vitale à la colonie. Ceci maintient une odeur coloniale qui leur permet de reconnaître tout intrus voulant s’immiscer dans un guêpier qui n’est pas le sien. A l’éclosion, chaque guêpe présente cette odeur qui est imprimée chimiquement sur son corps. Ce sont des hydrocarbures cuticulaires qui permettent la reconnaissance. La nature et la quantité d’hydrocarbures équivalent à une signature chimique propre à chaque colonie mais également à chaque individu : indications sur la caste, le stade de développement et le sexe de l’individu. Cette barrière cuticulaire permet également de limiter la transpiration et de protéger les guêpes de la déshydratation. Il est reconnu que les hydrocarbures serait transférés entre ouvrières puis, d’ouvrières au nid ce qui donne au papier l’odeur coloniale permettant ainsi en partie (mémoire visuelle) aux ouvrières de retrouver le nid. Pour les nids situés dans des cavités (Vespula, Vespa crabro) le même phénomène serait impliqué dans le guidage des insectes sur le chemin (tunnel) menant de l’entrée du nid à la cavité entrée nid de guêpes aérien Dolichovespula media Steinmetz et al., 2002. Pour les nids aériens (Dolichovespula, Vespa velutina), les ouvrières percevraient cette odeur à l’approche du nid en plein vol. Actuellement on ne sait pas encore si les hydrocarbures sont transférés délibérément vers le substrat ou simplement déposés passivement par contact lors des déambulations des ouvrières. Ainsi, plus il y a de passage et plus l’odeur coloniale se renforce dans la zone de nidification. Des expériences ont montré que ces pistes chimiques sont plus importantes dans le noir qu’à la lumière suggérant que les guêpes utilisent essentiellement cet outil pour leur orientation dans l’obscurité.

                                       jeune nid Vespula vulgaris    D.media reconnaissance

Ouvrière de la guêpe commune Vespula vulgaris entrant dans le tunnel du site de nidification ; Reconnaissance coloniale entre ouvrières de Dolichovespula media

      La trophallaxie est une autre forme d’échange sociale. Les guêpes présentent un estomac individuel et une poche nommée jabot social. Ceci leur permet de stocker la nourriture liquide sans la digérer permettant ainsi de la restituer à leurs congénères de retour au guêpier. Les échanges se font entre insectes adultes mais également entre imagos et larves. Une fois nourrie, la larve régurgite une goutte de liquide riche en glucides et protéines qui est immédiatement absorbée par l’ouvrière nourricière. Tous ces échanges participent à véhiculer les odeurs coloniales. Accessoirement, ces trophallaxies permettent à la société de survivre lorsque les ouvrières ne peuvent pas sortir du nid pour chasser (pluies importantes, froid…)

                                      trophallaxie D. saxonica    trophallaxie Vespa crabro

Trophallaxie entre ouvrières de la guêpe saxonne Dolichovespula saxonica à l'entrée du nid ; Chez le frelon européen Vespa crabro sur le lieu de collecte de nourriture

      La voie chimique est largement privilégiée chez les insectes sociaux car elle est particulièrement efficace ; les guêpes ont ainsi développées un important système de phéromones utilisé pour la défense de la colonie. Lorsqu'un guêpier ou son environnement proche est bousculé (vibrations de l’environnement du nid : tondeuse, taille haie ; proximité d’un intrus : oiseau, jet de pierre, passage trop près du nid…), les ouvrières chargées de la défense recrutent des renforts. Dans tous les guêpiers avec une population dense, des ouvrières sont postées à l’entrée et vérifie l’identité chimique des entrants (hydrocarbures cuticulaires). Lorsqu’un danger lointain est détecté, les gardiennes se massent à l’entrée du nid s’alignant souvent les unes à coté des autres (forme d’intimidation préliminaire). Si le danger persiste ou se rapproche, une partie de ces défenseurs commencent par réaliser un vol de reconnaissance. La gardienne évalue le danger et commence une « danse » d’intimidation, elle prévient l’envahisseur. Ceci se traduit par un vol en zig-zag ou en cercles plus ou moins grands autour de l’individu repéré (intimidation secondaire). Dans ce cas, il vaut mieux reculer et s’accroupir pour sortir du champ de vision de la guêpe. Si l’intrus persiste sa provocation, la gardienne n’hésitera pas à piquer relâchant ainsi des phéromones particulièrement volatiles.

intimidation Vespula germanica

Rangée de défense face à l'observateur en approche, guêpe germanique Vespula germanica

      Le venin contient une partie de ces phéromones qui excitent et indiquent la direction à suivre pour les défenseurs suivants undefined Brushini et al., 2006 . Chez Vespa crabro, le 2-méthyl-3-buten-2-ol est la principale phéromone d’alarme. Pour chaque genre, un ou plusieurs composés chimiques très volatils en mélange provoque cette réaction. Attention : contrairement aux abeilles les guêpes et frelons peuvent piquer à plusieurs reprises car le dard est initialement un outil de chasse et non pas de défense comme chez l’abeille. La quantité de venin déversée est donc plus faible mais renouvelable (elle diminue avec le nombre de piqûres). La panique de la victime renforce ce phénomène d’excitation, en particulier les mouvements amples et le « brassage d’air ». Plus la population du guêpier est importante et plus la défense sera conséquente. En effet, il y a alors plus de gardiennes et il est plus facile de recruter des renforts proches. Dans le cas d’une attaque, il faut s’éloigner rapidement pour sortir du périmètre de défense et du « cercle de recrutement et d’excitation ». Les guêpes n’hésitent pas à poursuivre l’agresseur sur une longue distance (30 à 50m) afin de s’assurer qu’il ne représente plus un danger. Mais nous reparlerons des agressions dans un chapitre plus détaillé… (voir la rubrique piqûre) le but étant ici de montrer l’efficacité de leur communication chimique.

                       Anecdote : guêpes et fourmis, ensemble dans l’adversité !

Il m’est arrivé de devoir nettoyer un abri à bois dans lequel se trouvaient des planches infestées par une colonie de fourmis (Lasius niger). Cette année là, un gros nid aérien de guêpe commune (Vespula vulgaris) était installé dans la toiture de cet abri (laissé en place pour observation). En retirant les planches dans lesquelles les fourmis avaient creusé leurs galeries, des centaines d’ouvrières sont sorties pour défendre leur demeure. L’endroit étant peu aéré, une odeur d’acide formique/acétique importante (défense des fourmis) s’est rapidement propagée dans l’enceinte. Les guêpes agressées par ces phéromones et odeurs chimiques sont devenues très agressives m’obligeant à fuir momentanément le lieu. Je pense que l’odeur forte les a dérangé mais il n’est pas exclut que des jeux de phéromones croisés (molécules chimiques proches) soient possibles entre les hyménoptères sociaux.

                       Anecdote :  nous irons au bois …

Par une journée d’automne, l’un de mes oncles et son fils décident de déplacer un tas de buches. Parmi celles-ci, l’une était creuse abritant un nid du frelon européen Vespa crabro crabro peu visible. Mon oncle ne s’en apercevant pas, prend ce cadeau surprise à pleines mains lâchant immédiatement le tronc à la vue des gardiennes virevoltant. Les vibrations du tronc n’auraient probablement déclenché que des vols d’intimidation de la part du lourd et paisible Vespa crabro qui ne pique qu’en cas de nécessité (c’est à dire beaucoup moins facilement que les guêpes toutes espèces confondues). Mais secouer la totalité du nid brutalement avec la chute de la buche lui a couté 5 piqûres et 2 pour son fils. Ces attaques violentes en masse ne se rencontrent que dans ce cas particulier d’atteinte directe envers le nid que ce soit pour les guêpes ou les frelons. Respecter un périmètre de sécurité de 5m évite tout problème. Pour les observateurs plus avertis, une approche lente de l’entrée du nid doit être réalisée tout en observant les signes de prévention/intimidation des ouvrières.      

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