Croissance du guêpier

      Dès que le nombre d’ouvrières est suffisant la reine ne sort plus du nid et ne se consacre plus qu’à la ponte, les ouvrières s’occupent du reste des activités. Les premières ouvrières sont de très petite taille car elles ont été nourries avec le strict minimum. Ceci est néanmoins un avantage car elles sont particulièrement discrètes et il est très difficile de détecter un nid à ce stade précoce de développement de la colonie. La première vague d’ouvrière n’est pas très importante (une dizaine échelonnée sur 2 à 3 semaines environ) mais dès qu’une alvéole est libérée suite à une éclosion, la reine y pond à nouveau un œuf. En parallèle, les premières ouvrières commencent à ajouter des cellules au premier rayon. Elles construisent ensuite rapidement un second rayon sous le premier multipliant ainsi la capacité de production. A partir de ce moment, des ouvrières vont être produites en continu entrainant une expansion considérable de la population. Il s’agit d’un cycle exponentiel car plus il y a de main d’œuvre et plus il y a d’individus en préparation. La population va donc doubler puis tripler en quelques semaines. Les ouvrières suivantes, mieux nourries (plus de main d’œuvre = plus de nourriture, plus tard dans la saison = plus de diversité dans la nourriture : entomofaune), seront de taille supérieure aux générations précédentes. Elles sont plus résistantes et peuvent déplacer/transporter des charges plus importantes.

reine frelon européenReine du frelon européen Vespa crabro et sa cour d'ouvrières

Quelle est la durée de vie d'une guêpe ?

En réalité ceci dépend de nombreux paramètres (période de l'année et température ambiante, qualité de la nourriture collectée) mais pour avoir une idée, des études ont montré que la durée de vie moyenne d'une ouvrière de la guêpe germanique Vespula germanica est de 12 à 14 jours, certaines pouvant vivre plus de 30 jours (Hurd et al., 2007). La durée de vie d'une ouvrière de frelon européen Vespa crabro a également été estimée à 15 jours par Matsuura en 1984 dans son livre Social Biology of Vespine wasps.

cellules réutiliséesAnciennes cellules réutilisées, oeufs et jeunes larves de Dolichovespula saxonica 

      A chaque fois la taille de l’enveloppe protectrice est réajustée pour les espèces concernées. Il y a donc besoin d’un apport continuel en pâte à papier et en ouvrières sur l’enveloppe du nid. Pour agrandir la paroi, les guêpes en construise une seconde à l’extérieur. Elle ronge ensuite la précédente pour la « refondre » et utilise les boulettes obtenues pour construire les couches suivantes. Jamais les rayons ne sont exposés directement au monde extérieur protégeant ainsi la reine et la couvée. De cette façon, une multitude de couches sont ajoutées de sorte que l’épaisseur de la paroi peut atteindre jusqu’à 5cm sur un guêpier en fin de saison. Lorsque le nid se trouve dans un espace ouvert (dessous de toit par exemple) la place n’est pas limitante.

                                ajout papier 1    ajout papier 2

Ajouts multiples de papier sur l’enveloppe d’un jeune nid de la guêpe saxonne Dolichovespula saxonica, les bandes fraîchement ajoutées sont humides et sécheront en quelques minutes

      Les photographies suivantes montrent le suivi de l’évolution d’un nid de la guêpe des buissons Dolichovespula media. Sur la première image, le nid fait 7cm de diamètre pour atteindre 32cm sur la dernière. Pour chaque image, l’aspect général du nid, la dâte de prise de vue ainsi qu’un zoom de l’entrée sont visibles. La petite branche pointue sous le nid est utilisée comme élément de comparaison pour avoir une idée de l’évolution de taille d’image en image. Ceci montre la rapidité et la plasticité des guêpes à s’adapter aux obstacles rencontrés sur le site de nidification.

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Evolution de la taille d’un nid de Dolichovespula media

      En revanche, dans le cas d’une cavité souterraine ou « creusable » (laine de verre, isolant, copeaux de bois) les ouvrières vont très vite se mettre à l’agrandissement pour garder constamment un espace entre la paroi du nid et celle de la cavité. Ceci permet de maintenir un passage autour du nid pour la défense et la construction. Il s’agit également d’une question d’hygiène car le nid n’est pas en contact avec la matière environnante ce qui limite humidité et moisissures dans la terre par exemple.

      Pour creuser, les ouvrières possèdent des techniques élaborées. Si la matière est humide, les travaux de terrassement seront facilités. Lorsque ça n’est pas le cas, les ouvrières peuvent aller chercher de l’eau et la recracher sur la zone à creuser afin d’être plus efficaces. Avec leurs mandibules, elles arrachent des petits morceaux de terre (1 à 3mm3) qu’elles remontent à la surface. Les petites particules sont emportées en vol et lâchées quelques mètres plus loin. Ceci évite l’amoncellement de gravas devant l’entrée du nid. Les particules plus lourdes et petits cailloux sont transportés à la surface (parfois par plusieurs ouvrières) et trainées sur le sol à quelques centimètres de l’entrée. Il est souvent possible de reconnaître les guêpiers souterrains aux petits cailloux éparpillés autour de l’entée. Les gros obstacles (taille supérieure à 1cm) tombent au fond de la cavité et sont laissés en place. Les guêpes creuseront dessous au fur et à mesure de l’agrandissement. Très souvent dans les grands nids, les ouvrières utilisent les boulettes de terre liquéfiée pour « plâtrer » l’entrée et la galerie menant au nid donnant une structure lisse et très solide. Ceci n’est pas possible en zone sableuse ou dans un substrat artificiel (laine de verre).

                                terrassement Vespula germanica 1    terrassement Vespula germanica 2

Ouvrière de la guêpe germanique Vespula germanica évacuant une boulette de terre

                                terrassement Vespula vulgaris    terrassement Vespa crabro

Travaux d’agrandissement de cavité chez la guêpe commune Vespula vulgaris et chez le frelon européen Vespa crabro

nid souterrain in-situCoupe transversale d’une cavité mettant à jour le nid de Vespula germanica en fin de saison (l’enveloppe a été éliminée en partie et seuls les rayons sont visibles)

 

            Anectode : spécialistes du BTP…

Il m’est arrivé de retrouver un nid souterrain (que j’observais depuis 2 mois) mis à jour par un animal sauvage : le blaireau à des griffes puissantes et une fourrure dense le protégeant des piqûres par exemple. La paroi était complètement mise à nu et des morceaux de rayons avaient été arrachés vraisemblablement pour consommer quelques larves dodues. La veille, j’étais venu voir ce nid qui se portait très bien. L’incident à dû se produire en fin de journée ou dans la nuit. Le lendemain après-midi, la portion d’enveloppe arrachée avait été reconstruite (texture non continue). Dans les jours qui suivirent, les guêpes ont entièrement camouflé le nid avec de la terre (reconstruction de la cavité) comme si de rien n’était (6 jours pour une façade de 15cm2 environ).

                                reconstruction-1.jpg    reconstruction-2.jpg

Reconstruction de la cavité suite à une agression chez la guêpe germanique Vespula germanica

 Attention : Ne jamais tenter de boucher l’entrée d’un nid souterrain qui sera immédiatement débouchée. Si un obstacle solide est utilisé pour l’obturation, les guêpes le contourneront systématiquement ! Néanmoins… voir anectote suivante.

            Anectode : Jean-Henri Fabre

L’entomologiste a fait l’expérience d’isoler un guêpier souterrain (Vespula vulgaris) sous une cloche de verre afin de voir si les guêpes réussiraient à se frayer un chemin. Une nuit, il déposa la cloche sur le guêpier. Le lendemain matin, les ouvrières furibondes sortant du nid furent prises au piège voletant et retombant le long de l’enceinte de verre. Les guêpes n’ayant pas passé la nuit au nid (il arrive régulièrement que des ouvrières soient surprises par la nuit et découche !!) rentrèrent et commencèrent à creuser au pied de la cloche. Elles réalisèrent rapidement une brèche utilisée par toute la population pour entrer et sortir. Il réitéra l’expérience en rebouchant les trous fait par les entrantes jusqu’à ce qu’il n’y ai plus aucune guêpe à rentrer. Les ouvrières qui avaient entrepris le terrassement à l’extérieur de la cloche ne le firent pas de l’intérieur et toute la colonie dépérit. L’instinct collectif à aussi ses limites… attention, il est possible qu’un autre nid ou qu’un nid plus gros puisse réagir différemment.

 

            Pour les frelons qui habitent souvent des cavités limitées en place et « non creusable » (creux d’arbre, parpaing, boitier de volets roulants) la taille de la cavité est parfois trop petite. Si le nid devient très gros, il est alors nécessaire de déménager la population. Ceci reste exceptionnel chez Vespa crabro car lorsque c’est le cas, très souvent la colonie reste petite et stagne. En revanche, il semble que ce phénomène soit monnaie courante pour Vespa velutina nigrithorax. La fondatrice établi un nid primaire en début de saison jusqu’à ce que la colonie atteignent un nombre d’individu suffisant pour assurer la survie de la colonie. Si le lieu n’est pas adéquat (dessous de taules se mettant à chauffer au fil des mois, cavité trop petite, trop de bruit ou de dérangement) les ouvrières construisent un autre nid dans un endroit plus approprié (souvent à la cime d’un arbre) où la colonie déménagera pour prospérer (colonie satellite). Dans ce cas, la reine déménage avec la grande partie des ouvrières dès que le nouveau nid présente suffisamment d’espace. Des ouvrières resteront s’occuper des larves de l’ancien nid jusqu’à ce que la dernière devienne imago, elles rejoignent alors le nid principal.

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